Ambre, peux-tu nous raconter quand et pourquoi as-tu créé la Compagnie Ankréation ?
Avec qui as-tu démarré l’aventure ?
– J’ai créé la Compagnie Ankreation en 2013. Ça faisait longtemps en fait que je rêvais de monter ma propre structure. Auparavant, j’avais travaillé près de 3 ans pour Comédiens et Compagnie, qui est une des plus grosses troupes de commedia en France.
Ensuite j’ai collaboré avec la Compagnie A Tout Va ! et à un moment donné, j’ai ressenti le besoin que ma compagnie me ressemble. Ça devenait indispensable pour mener à bien tous mes projets.
Quel a été ton premier spectacle avec la Compagnie ?
– J’ai démarré avec le spectacle « Les mots à la douche ». C’était un montage de textes d’auteurs, que je jouais avec mes amis Nicolas DEREATTI et Mélanie SURIAN. Il y avait des textes de DUBILLARD, FEYDEAU, TARDIEU, RIBES et Pierre DAC. C’était vraiment une pure comédie.
Pourquoi « Les mots à la douche » ? Parce que c’était l’histoire de trois colocs qui ont chacun une passion dans le cœur et un rêve dans la vie et tout se déroule dans la salle de bain. On s’était bien amusés. Il y avait Hannah HARPER qui avait fait notre scénographie c’était vraiment génial ! On avait les portes suspendues, les toilettes sur scène déjà à l’époque – ça nous rappelle « Je suis un chameau ». Mélanie LE DUC et Xavier DEPOIX nous avait aidés en collaboration artistique, Xavier avait prêté sa belle voix, Hadrien LEFAURE nous avait fait la création lumière et puis Francis MENIER nous avait fait toutes les créations sonores. Franchement c’était un superbe spectacle mais à l’époque je n’avais pas forcément les épaules assez solides pour tout ce qui était diffusion donc on avait joué, ça avait vraiment cartonné mais ça n’a pas été plus loin… C’est un peu mon grand regret de Compagnie Ankreation parce que c’était un spectacle vraiment génial et que je n’ai pas été au bout de l’aventure.
A côté, on donnait des stages de théâtre auprès des enfants dans différentes structures.
Les visites théâtralisées ont-elles été une évidence ?
En fait, au début je jouais grâce a Xavier qui m’avait mis en relation avec Vanessa DJAKOVIC. Je jouais dans sa structure qui s’appelait Compagnie Narr’evasion et on jouait au château de VINCENNES, on a joué à RAMBOUILLET, on jouait dans la forêt de MARLY, je crois. J‘ai tout de suite adoré faire ça. Vraiment. Et quand Vanessa « a pris sa retraite », elle a proposé que l’on prenne la suite. Donc, avec Xavier on a repris le flambeau et ça a complètement décollé. On a repris puis apporté nos savoir-faire dans l’écriture, la création tout en gardant l’état d’esprit de Vanessa et ça a été la flambée. 2019 a été une année incroyable pour la Compagnie juste avant le covid. C’était en plein essor. On a eu des très très belles visites théâtralisées qui se sont construites à ce moment-là et ça continue.
Aujourd’hui, nous sommes leader dans cet univers ! On fait partie du Top Ten ou top Five, je ne sais pas si ça existe, le Top Five des visites théâtralisées en France donc c’est vraiment devenu très important pour la Compagnie Ankreation et pour nous dans la création. C’est du bonheur, du plaisir à la fois dans les recherches historiques, dans le travail des personnages et dans la communication envers le public, la mise en valeur du patrimoine, je trouve que c’est essentiel et vital. Donc j’aime ce que je fais, j’en suis très fière.
Ça permet aussi d’embaucher des nouvelles personnes pour différents projets donc on fait des très belles rencontres artistiques. Ce fut le cas par exemple avec « Panique à Nemausus » gros succès aux arènes de NÎMES. C’est une grande richesse de pouvoir proposer du travail dans notre milieu. C’est rare et précieux.
Ton plus beau souvenir de représentation et en représentation ?
– Je crois que j’ai plusieurs souvenirs incroyables… Je vais en citer peut-être deux. Le premier c’était sur « Entre deux étages » quand j’ai fait la première fois Avignon et qu’en sortant, des gens m’attendaient pour me dire « Merci ». Donc, quand tu fais ce métier, que tu écris, que tu mets en scène, que tu joues et que derrière, ça touche les gens, eh bien, c’est tout ce pourquoi tu travailles en fait. Tu ne travailles que pour ça.
Le Merci pour moi a été fabuleux en fait, ça a été une révélation parce que je me suis dit : « Je suis au bon endroit, je fais ce que je dois faire ».
Et dans la même veine, c’était sur Les compagnons. C’était la première saison du Musée de l’Ordre de la Libération. J’incarnais Laure Diebold quand elle était « passeuse ». En fait, elle organisait des passages depuis l’Alsace-Lorraine vers Lyon. Vers la France Libre. Le principe des visites théâtralisées, c’est que l’on est très proche des gens, on s’adresse directement à eux et on les regarde droit dans les yeux donc ça peut être assez déconcertant, surtout dans un cadre comme le musée de l’Ordre de la Libération, qui est un lieu très important culturellement et impressionnant aussi de par son histoire, ce qu’il raconte, l’emplacement aux Invalides… Soudain, il y a cette femme, je lui parle en la regardant droit dans les yeux et d’un coup elle se met à pleurer. Elle était en larmes et je l’ai prise dans mes bras (c’était avant le covid) et je ne m’attendais pas à ça ! Du coup, j’ai pleuré avec elle c’était très fort. Il n’y a plus de murs, de barrière, de personnage, de théâtre à ce moment-là c’est fantastique ! Il y a juste de la vie. C’était un moment incroyable… ça m’est arrivé encore depuis mais je n’oublierai jamais la première fois.
Parle nous d’« ATHOS », ta dernière création.
– Déjà, je ne suis pas seule, il y a Xavier avec moi. Athos c’est la grande aventure ! En 2019 je crois, Frédérique LUROL du château de MONTE-CRISTO nous avait commandé une saynète autour des mousquetaires donc j’ai relu « Les trois mousquetaires » et j’ai découvert « La jeunesse des mousquetaires », une pièce que Dumas a lui-même adaptée de son œuvre. En lisant, je suis tombée amoureuse. Je voulais la monter. Xavier, lui aussi, avait été conquis. Sauf qu’à l’époque, on savait qu’il faudrait du monde sur scène, on n’avait pas les épaules, on n’avait pas l’argent, donc on l’a mis dans un coin de notre tête. Et puis arrive le confinement, les aides de l’Etat et plutôt que de mettre cet argent n’importe où on s’est dit : « Faisons-le , soyons fous, montons-le ».
Nous voilà partis avec des gens qu’on connaissait, on a fait aussi du recrutement, c’est un mélange de personnes de la compagnie et puis de nouvelles personnes et c’était vraiment la grande aventure. Ce n’est pas fini, on est en plein dedans. C’est fort parce qu’on part de cette petite graine d’envie et on arrive à cet énorme spectacle qu’on a créé. C’est incroyable et magique de le voir grandir. Je suis très très heureuse du résultat, il est magnifique ce spectacle. J’en suis très fière ! ça a été un an de travail, très beau travail qui s’est fait de façon très fluide. Il n’y a pas eu d’obstacles à la création. Vraiment c’était très beau. Vers la fin on a eu des petits soucis avec Frederic qui devait incarner Dumas et qui a eu un gros problème de santé et malheureusement n’a pas pu nous suivre… Finalement, on a rencontré Jean-Bernard pour le remplacer. C’était une très belle rencontre. Jean Bernard est un Dumas incroyable, donc on a eu de la chance.
Et puis on a été bien accompagnés par des lieux de création, des lieux de résidence, des gens qui ont cru en notre projet et qui nous ont soutenu.
On a pu l’amener sur AVIGNON. AVIGNON a été à la fois génial parce qu’on a pu avoir un retour du public sur notre travail et ce retour est très beau. On a eu de très belles critiques et de très bons commentaires donc on est vraiment heureux. Et en même temps très dur, puisqu’Avignon c’était 1540 spectacles ! C’était une création, c’était la première fois que la compagnie Ankréation venait sur AVIGNON donc on a dû se battre pour obtenir notre place et au moment enfin où on commence à avoir du monde dans la salle paf blessure puis paf covid donc ça a été très dur très violent… Plus la canicule…
Un été vraiment difficile et donc financièrement très périlleux puisqu’on est en déficit mais il n’empêche que voilà, dans cette aventure, on a pu intégrer des gens de partout : scénographe, chorégraphe combat, costumier, assistant costumier, communication, presse, photo… que des belles personnes, des belles rencontres et j’espère que ce spectacle va encore grandir et va pouvoir tourner au moins encore 3, 4 ans dans pleins, pleins de villes, pleins de festival et que ce n’est que le début d’une très belle aventure.